Paris, Gare Montparnasse, 5 juillet 2013
Dans ce train ils partent en vacances.
Ce train de soirée d’un vendredi du début juillet emmène vers leurs vacances ceux qui se libèrent plus tôt pour profiter des premiers jours de soleil, avant que la plèbe ne s’abatte sur la grève, comme si ses rayons s’usaient sur la peau des autres. Ce sont les vacances d’étudiants oisifs revenant victorieux des concours, encore grisés par la bataille mais le cheveu impeccable, évoquant leurs écoles avec la vulgarité de ceux qui énumèrent leurs conquêtes ; ce sont les vacances de ceux qui se croyaient sauvés par leur individualité rare et se retrouvent surpris par la chaleur au milieu de la foule, trahis par leur chemise trempée d’une sueur hautaine. Ce ne sont pas les vacances de n’importe qui.
Loin de la cohue du quai, à l’ombre de la première classe, une femme mince et élégante déballe délicatement de grandes boîtes roses de papier gaufré estampillé de lettres dorées d’où sont extraites l’une après l’autre des denrées dont son banquier de mari, assis à côté d’elle, a le plus grand mal à deviner la nature.
« C’est du thon ?
– Non, c’est un parfait de saumon à l’aneth sur lit de fenouil sur une base de pain de seigle complet norvégien.
– Ah. Et ça, c’est quoi, le truc aux fraises ?
– Ah non, ça c’est une charlotte framboises-fraises des bois et appareil au yuzu. »
Puis, au reste du wagon : « C’est notre anniversaire de mariage, vous comprenez ! On est tellement occupés le reste du temps qu’on est réduits à fêter ça dans le train ! » Elle farfouille dans son sac à main Vuitton dont elle extrait deux flûtes. « On a du champagne aussi, vous en voulez ? Enfin, si vous avez un verre, ça risque d’être compliqué si vous n’avez pas de verre ! Vous avez des verres ? Quelqu’un veut du champagne ? »
Pas de bras, pas de chocolat.